La rue était vide et grise. Grise et vide également, l’ex place Jean-Marie Djibaou, débaptisée partiellement par le conseil municipal au terme d’une séance homérique. Les lumières de l’Agence étaient le seul indice de vie alentour.
— Bonne année, Gilbert !
— Bonne année, Chef !
— Bonne année à tous les deux ! Au fait, pourquoi est-ce que nous ne sommes que trois aujourd'hui ?
— Nathalie et Bernard m'ont demandé la semaine dernière de prendre la journée en récup. Je me suis dit que ça devait passer. Je te sers du café ?
— Oui, merci, Michel. Ça m'aidera à garder les yeux en face des trous. Et tu as raison. Un vendredi deux janvier, ça devrait être très calme.
Gilbert bâilla discrètement. La nuit ne lui avait pas permis de récupérer complètement. Il vida sa tasse, échangea deux trois commentaires sur le réveillon, puis redescendit à l'accueil.
L'agence était ouverte depuis une bonne heure, mais effectivement, les assujettis ne se bousculaient pas. Le poste-station miaula. Un coup d'œil vers le sas d'entrée : L'inévitable distrait venait de s'engouffrer dans le hall. C'était une distraite.
— Madame ?
L'arrivante se figea, comme prise en faute.
— Oui ?
— Votre bracelet, s'il vous plaît, sourit Gilbert.
Du bras droit levé, il montrait comment orienter le poignet.
— Bien sûr, bien sûr, bredouilla la dame en s'exécutant.
Le compteur, satisfait, bipa gentiment. Le portique était d'une grande fiabilité, et il avait largement simplifié la tâche des agents. Encore fallait-il lui permettre de lire le code-barres.
Les informations défilaient maintenant sur l'écran central du poste : Cosma Nadine, 41 ans, divorcée, 2 enfants à charge, numuniq 26208.44BZT, inscrite le 12 octobre 03, période de révision non échue…
Pas d'anomalie.
Il regarda la femme s'avancer vers l'Espace Recherche Interactive, puis revint à son courrier électronique. Les premiers vœux des collègues. Il répondit aussitôt. Un tableau vierge clignotait sur fond orange : la Direction Régionale réclamait déjà ses chiffres. Gilbert grogna, par principe. Le dernier message transmettait les vœux du Directeur Général, introduits par un vocal du Directeur Délégué.
— Salut, Gilbert, bonne année à toi, ta famille et toute l’APEL. Tu recevras mes vœux officiels demain, mais je tenais à te les adresser dès aujourd'hui de façon moins formelle. Bravo à toi et à toute ton équipe pour le boulot que vous avez effectué cette année, notamment sur les plus de 60 ans. Transmets-leur mes félicitations... Et à jeudi pour la réunion.
La voix de Charles était un peu enrouée. Sans doute un réveillon chargé. Gilbert se surprit à hocher la tête. C'est vrai que les vieux n'étaient pas faciles à bouger : toujours une bonne raison de refuser un poste – le salaire, la distance, les points de retraite, le conjoint, la santé... Et les médecins ne coopéraient pas toujours correctement, malgré la réglementation et la mise en ligne des fichiers. Bref, il fallait de la patience, du doigté, parfois de la fermeté, pour obtenir des résultats à peine satisfaisants. Et tout ça en dépit des mesures d'aide et des emplois-vermeil !
Un regard circulaire sur l'agence quasi déserte. Décidément, il avait le temps. Il cliqua sur l'icône "Vœux". L'écran devint bleu, l'hymne national se fit entendre discrètement et le visage du DG apparut. Il était filmé à son bureau. Devant lui, le logo de l'Agence, et sur le mur, la photo officielle du Président de la République. Le Directeur général était souriant, et peut-être, peut-être, un peu trop bronzé pour un deux janvier…
"Mesdames, Messieurs, Chers collègues..."
Le message datait du 28 ; Gilbert, en congés, ne l'avait pas encore visionné, mais on lui en avait déjà donné les grandes lignes : La satisfaction et les félicitations du DG pour les résultats de l'année écoulée, les objectifs pour l'année 2004, "dont il ne doutait pas que les agents auraient à cœur de se mobiliser de nouveau pour les atteindre ". Entre les deux, un coup de semonce à l'adresse des zaubristes.
"Je n'ignore pas que certains d'entre vous contestent les objectifs de l'Agence et les méthodes que nous mettons en œuvre pour les atteindre. À ceux-là, qui constituent du reste une faction très minoritaire, je redis de façon très ferme que la démocratie a tranché sur les choix politiques du pays. Comme tous les citoyens, ils ont pu s'exprimer en temps et en heure. En tant qu'agents de cet établissement, il leur appartient d'appliquer et de faire appliquer, sous ma direction, la politique de l'emploi et les règlements en vigueur ; ni plus, ni moins, puisque telle est la première mission de l'APEN."
Ce n'était un secret pour personne que Michel Meyeur, nommé à la tête de l'APEN deux mois après l'élection de Bruno Lepetit, faisait partie de ses discrets sympathisants. Il avait ferraillé durement avec les quatre-vingt-dix-huitards – ceux qu'on appelait aussi les zaubristes – pour imposer la réorganisation de l'Agence et la nouvelle ligne politique qui la sous-tendait. Il le rappelait dans son discours avec l'absence de nuances qu'on lui connaissait.
Aujourd'hui, deux ans après sa nomination, si personne ne contestait plus ouvertement, les comportements individuels de certains restaient en deçà des directives sur les points sensibles. Par exemple, l'emploi des plus de 60 ans, ou encore le M.C.G.F. Ou l'O.T.S.. Autant de chantiers dont l'efficacité était avérée, mais dont la rudesse choquait plus d'un.
Et dans ce combat larvé, les directeurs d'Agence étaient en première ligne. C'était Gilbert qui signait les décisions administratives, parfois très lourdes de conséquences. Lui que les chômeurs menaçaient souvent, lui qu'on désavouait parfois, mais qu'on exhortait régulièrement à se montrer ferme. Lui qui avait les hommes et les femmes en face de lui, et pas seulement des dossiers. Il fronça le front au souvenir de quelques scènes pénibles – les interventions de la brigade pour appréhender les irréguliers à la sortie de l'Agence, par exemple. Lui revenaient aussi les mots de l'instructeur : "Ce n'est jamais facile", leur avait-il répété... "Ne croyez pas que vous vous habituerez." Comme il avait raison !
Le discours du DG s'acheva sur une exhortation finale, un peu convenue mais chaleureuse. L'homme était certainement plus sincère que ne l'affirmaient ses détracteurs. L'écran central s'éteignit, et la voix fut remplacée par la radio locale en fond sonore – une chanson gentiment subversive de Louis-Ferdinand Chelid dont Gilbert écouta la fin avec délectation. Il avait un faible pour le chanteur.
Michel, qui passait dans la zone d'accueil, lui fit un clin d'œil.
— C'est pas en Flandre qu'on entendrait ça, pas vrai ?
— N'exagère rien, Michel ! D'ailleurs, avec les satellites, Ils entendent la même chose que nous, même le pire !
C'était rigoureusement vrai ; en dépit des protestations du chancelier Ruytens et de ses appels à la préservation de la culture et de l'identité flamande, les media déversaient leurs productions sur l'Europe entière, sans aucune considération pour les particularismes politiques. Les frontières ne contenaient plus les idées, mais encore les hommes... Et la Nouvelle-Flandre, qui réunissait les Pays-Bas et la Belgique dans une poigne de fer, se bornait à limiter l’exode de ses ressortissants.
La matinée s'écoulait doucement. Gilbert en venait à regretter d'avoir choisi d'assurer l'accueil au lieu d'avancer sur les dizaines de tâches qu'il avait en retard. Mais avec les congés annuels et autres, l'Agence était en effectif minimum, et il fallait bien que quelqu'un s'y colle. Il avait de toute façon pour habitude de tenir l'accueil une ou deux fois par mois, pour ne pas "perdre le contact" avec les assujettis. Et puis, pour les statistiques, la Mise en Commun Généralisée des Fichiers – la M.C.G.F. – réduisait les délais et surtout permettait recoupements et fiabilisation des données : qui avait repris un travail, quand, où, pour combien de temps – les rêves fous des statisticiens d'antan étaient dépassés. Pour les annulations, c'était pareil. D'un clic, Gilbert avait sous les yeux les arrêts de travail de décembre, qui venaient décrémenter ses stocks. Même chose pour les abandons d'étude, qui alimentaient directement l'APEN. Encore un avantage du numuniq. Normalement, le bouclage des chiffres de décembre serait terminé d'ici demain midi, dès qu'il aurait reçu les données sur les personnes ayant travaillé plus de huit heures dans le mois précédent. Sans doute un peu moins de quatre pour cent de chômage, comme les mois précédents.
Une voix interrompit le cours de sa réflexion.
— S'il vô plaît, Monsieur, ti peux me donner du travail ?
On lui collait sous le nez une carte plastifiée jaune et verte. La version française de la green card, imitée des USA. C'était un vietnamien, comme on en voyait beaucoup depuis un an. Encore un qui croyait trouver du travail en France !
Gilbert toussota.
— Oui, bonjour, Monsieur. Je ne pense pas que vous releviez de nos services.
L'autre le regarda, son large sourire figé. Il n'avait pas compris un mot.
— Je veux dire que je ne peux pas vous proposer d'emploi, articula Gilbert. Vous êtes ici à l'APEN, l'Agence Pour l'Emploi National.
Il martela le dernier mot. Le terme sembla avoir un écho. Le sourire de son interlocuteur s'éteignit.
— Nous ne donnons pas les offres aux étrangers. Vous devez vous adresser à votre consulat.
Gilbert se sentait un peu faux-jeton. Le consulat le plus proche était à cent-vingt kilomètres, et l'Agence ne lui communiquait pas les offres. Par ailleurs le visa était limité à trois mois, sauf en cas de travail, et pour la durée du contrat. Comme dans tous les pays voisins. La crise avait eu raison de l'ouverture du marché du travail européen.
Il porta l'estocade, en détachant bien les mots.
— Bordeaux ! Vous devez aller à Bordeaux pour les offres d'emploi. Vous avez jusqu'au vingt février pour trouver un travail.
L'homme avait compris. Il inclina la tête, dépité, et tourna les talons sans un mot de plus.
Derrière lui, un retraité s'inscrivit pour un boulot de complément. Gilbert lui proposa trois emplois-vermeil dans la foulée.
— Heureusement que vous êtes là, Monsieur, chevrota-t-il ! Et encore merci !
Au moins un heureux dans la journée ! Au fond, le système ne fonctionnait pas si mal que ça. Si seulement, en interne, tout le monde voulait bien marcher dans le même sens.
Il songea à Bernard. Chaque Agence avait son mouton noir. Bernard n'avait toujours pas digéré l'échec des socialistes, la gauche plurielle devenue gauche kyrielle, puis gauche querelle. Il est vrai qu’aucun régime n’avait survécu au “Big Bug”. On avait tout écrit avant l’an 2000, tout prévu, sauf… l’épingle informatique faisant éclater la bulle boursière, déjà dangereusement enflée. En trois heures de temps, interruption des transactions, puis premières baisses à la réouverture, et le raz-de-marée des ordres de vente avait déferlé sur les bourses du monde entier et les avait étendues pour le compte. Et le compte n’était pas bon. Ruinés, les fonds de pensions américains et les millions de petits porteurs US. Endettés même à vie pour des biens qu’ils n’avaient plus, pour des actions virtuelles qu’ils avaient achetées, puis revendues à perte, avec un argent qu’ils n’avaient jamais eu. Dans la foulée, la glorieuse Amérique, phare du libre-échangisme, avait fermé ses frontières aux importations.
En France, les socialistes avaient porté le chapeau. Bruno Lepetit et son parti recomposé, un temps moribond, avaient saisi l'occasion. Ils avaient eu l'intelligence de proposer tout haut les réponses que souhaitait tout bas une forte minorité de Français. Et de plus, les résultats étaient au rendez-vous. Comment s'étonner dès lors que les Français soient satisfaits ? La température avait baissé, le malade s'estimait guéri, et ne s'interrogeait guère sur la légitimité des remèdes.
Bernard et les autres poursuivaient un combat d'arrière-garde, inutile et dépassé. Martine Aubry et les éditoriaux enflammés qu'elle adressait de Madrid n'avaient pas plus d'écho dans le pays que les gesticulations des quatre-vingt-dix-huitards dans l'Agence. Il ne leur restait qu'un pouvoir de nuisance, celui qui consistait à bloquer la mise en œuvre des plans d’action... et à faire monter le niveau de stress de l'encadrement.
— Bonjour, asseyez-vous.
L'homme s'assit devant lui. Entre 40 et 45 ans, peut-être plus, difficile à estimer. Visage un peu fatigué. Yeux noirs, abrités, presque enfoncés.
— Je n'ai rien trouvé là-bas qui me convienne, dit-il. D'un mouvement de tête, il indiquait la zone de recherche. Il faut pourtant que je trouve du travail rapidement.
Il semblait nerveux. Ou bien simplement impatient et déçu.
— Voyons voir, dit Gilbert, volontairement jovial. Puis-je prendre votre carte ? Le bracelet n'était pas habilité pour les transactions. Trop facile à falsifier.
Il introduisit la carte dans le boîtier. Un couinement l'avertit du mauvais contact. Il eut un geste d'excuse vers l'autre.
— Mal introduite, dit-il, je recommence. Vous savez ce que c'est, les lendemains de fête…
L'homme décroisa les genoux, sans desserrer les dents. Visiblement, son sens de l'humour l’avait quitté. Machinalement, Gilbert examina la carte avant de la réintroduire. C'était bien la carte d'assujetti APEN, bleue et grise. Il nettoya la surface de contact de l'extrémité de sa manche. Un léger bourrelet de plastique entourait la puce. Peut-être cette épaisseur empêchait-elle le contact. En tout cas, il n'avait jamais eu ce type de problème.
Dubitatif, il remit la carte dans le logement, appuya fermement et cette fois, l'identification se fit.
— Pas de lézard, annonça-t-il. Je lance la recherche.
L'homme était toujours silencieux, mais plus détendu. Gilbert chercha à meubler.
— Je vois que vous êtes chauffeur-magasinier, affirma-t-il. Vous avez la licence filoguidage ?
C'était le must du moment.
— Non. Vous croyez que ça pourrait me donner du travail ? L'anxiété laissait passer une trace d'accent.
— Pourquoi pas ? A quand remonte votre permis poids-lourd ?
— Je l'ai passé en nonan... Il se bloqua net, avala sa salive, et reprit péniblement : en quatre-vingt quinze.
Silence de plomb. Gilbert garda les yeux baissés. Surtout ne pas rencontrer son regard. Dire quelque chose, vite ! Il enchaîna :
— Ca y est, j'ai les offres en ligne. Regardez la liste sur votre écran. Avez-vous des contraintes de proximité ? Est-ce que vous pourriez aller travailler à Brive ?
Bon sang, pensait-il, un transfuge ! Un Neo-flamand ! Un deux janvier ! Une fausse carte ? C'était ça, le bourrelet autour de la puce. Bien sûr. Et ce patronyme transparent ! Pourquoi pas Dubois ou Martin ?
Le bouton d'alerte !
Normalement, la brigade mettait moins d'un quart d'heure à intervenir. Mais comment le garder à l'Agence ? Il devait bien se douter...
Par-dessus l'écran, il releva doucement les yeux, sans bouger la tête. L'autre n'avait pas bougé, comme tétanisé. Il regardait vers Gilbert. Sa main droite, posée sur le bureau, tremblait légèrement. Sa bouche s'était crispée, faisant baisser les commissures des lèvres. Son visage était gris. Il avait compris. La main de Gilbert glissa vers le bouton rouge, à l'extrémité gauche du comptoir. Des mois, des années que les agents réclamaient quelque chose de plus discret, une séquence de touche sur l'ordinateur, par exemple. Il y avait eu des cas d'agression, dans certaines agences.
La voix de l'autre l'interrompit. Elle sortait avec difficulté.
— S'il vous plaît, je vais...
C'est alors que l'improbable se produisit. La fillette surgit à côté de lui, et se serra contre son bras. Elle intervint, gentiment impatiente :
— C'est encore long, papa ? Ça fait trois quarts d'heure qu'on est là ! Tu m'avais dit que ça irait vite !
Gilbert ne l'avait pas vu entrer. Avait-elle un bracelet ? D'où venait-elle ? Elle avait entre treize et quinze ans. Très brune, plutôt petite, les gestes rapides, totalement à l'aise. Son regard se planta dans celui de Gilbert, hardiment, mais sans provocation. Un regard qui pétillait de gaieté. Pas du tout celui d'une enfant traquée ou en marge de la loi. Il se détendit un peu. L'atmosphère venait de changer d'un coup.
L'homme lui répondit. Sa voix était différente. Il avait retrouvé un ton presque normal.
— Ne nous interrompt pas, Anne, tu veux ? Nous n'en avons plus pour longtemps. N'est-ce pas, Monsieur ?
Maintenant, lui aussi fixait Gilbert. Le menton un peu relevé, presque avec défi. Le ton était tranquille, un peu désenchanté malgré tout. Quelque chose comme "Faites votre boulot, mais faites-le vite". Une chose était certaine : il n'avait plus peur.
Ce qu'il avait à faire ? Gilbert le savait, oui. "Ne croyez pas que vous vous habituerez !", se répéta-t-il mécaniquement. Sa main gauche pesait une tonne. Il effleura le bouton, regarda la jeune fille. Pas vraiment jolie, mais… un sourire incroyable. Il eut l'impression qu'elle lisait en lui. Le sourire s'accentuait encore. Elle se moquait carrément de lui, ou alors... elle le remerciait du regard ! Merci de quoi, bon Dieu ? Il allait les livrer à la police !
Il s'entendit dire.
— Je vais rééditer votre carte. Elle a du mal à passer dans le lecteur. Sans doute usée.
Il baissa les yeux sur le clavier. Son cerveau bourdonnait : "Tu es en train de faire une connerie. Qu'est-ce qui te prend ! Tu te mets en danger. Quinze ans de carrière à l'APEN ! Arrête, imbécile !"
La nouvelle carte ressortait du graveur. Authentique, définitive.
Il la tendit à l'homme, qui semblait abasourdi. Gilbert l'était tout autant. La fillette se leva.
— Allez, viens, papa, on part. Tu m'as promis d'aller au McDo !
Elle enveloppa Gilbert d'un dernier sourire étincelant, et se suspendit au bras de l'homme. Ils sortirent en discutant, la fille agrippée à son père.
Gilbert avait l'impression d'émerger d'un rêve. Il regarda son écran de contrôle, et zooma sur l'extérieur. L'homme s'éloignait à pas rapides, mais sans précipitation. L'enfant n'était pas à ses côtés. Il se pencha sur le comptoir, inspectant du regard les angles morts des deux caméras intérieures : elle avait disparu.
Il s'étonna de ne pas en être plus surpris, mais au contraire, soulagé. Sans qu'il puisse comprendre pourquoi. Il revint à la vue extérieure. L'homme arrivait au niveau de la place Jean-Marie, maintenant animée. Dans quelques secondes, il se perdrait parmi les passants et disparaîtrait vers un avenir différent.
Sans doute meilleur.
Voilà bien longtemps que Gilbert ne s'était pas senti aussi léger. Il expira doucement.
"Bonne et heureuse année", monsieur Franck, murmura-t-il. "Bonne et heureuse année".
Comments