27 janvier 2025. Commémoration de la libération d'Auschwitz par l'Armée rouge, 80 ans plus tôt. À partir d'un article sur Internet, je consulte des résultats d'un sondage sur la connaissance et la mémoire de la Shoah, réalisé par une ONG, auprès d'un panel de mille adultes dans chacun des huit pays concernés. Cette enquête révèle que les Français, notamment la tranche 18/29 ans, ont sur ce sujet des lacunes plus importantes qu'en Pologne, Hongrie, États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne Autriche, Roumanie… t un chiffre choque le rédacteur de l'article : 33% des français de 18 à 29 ans interrogés estiment que "le nombre de Juifs tués durant l'holocauste a été grandement exagéré".
Pour ma part, je suis d'accord avec eux : le chiffre généralement admis, est d'environ six millions de morts – 70 à 75% des Juifs de l'Europe occupée, 40% des Juifs dans le monde, selon Wikipédia. Si cela n'est pas de l'exagération, alors les mots n'ont plus de sens ! Mais Hitler et les nazis étaient des exagérateurs compulsifs. Ils ont exagéré avec les Juifs, avec les Tziganes, avec les homosexuels, les handicapés, les Slaves, et de façon générale avec la deuxième guerre mondiale. Cela ne sera jamais un détail de l'histoire, mais cela aurait pu en rester une tache isolée. On l'a longtemps cru, on l'a longtemps espéré.
Or, ce 27 janvier 2025, que reste-t-il de cet espoir ?
Quelques révélations tardives avaient bien fait remonter à la surface les exagérations – dont les conséquences se chiffraient en millions de victimes – auxquelles Staline et Mao Tsé-Toung s'étaient livrés, en leur temps et dans leurs territoires respectifs. Mais le passé étant le passé, on pouvait imaginer que les grands massacres étaient désormais loin de nous, en temps aussi bien qu'en espace. Le régime de Pol Pot, en exterminant un gros cinquième de sa population entre 1971 et 1979, fut un rappel amer. L'exagération refaisait surface. Mais c'était loin.
Loin aussi, le génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994, qui montra qu'une volonté acharnée peut pallier le manque de matériel, avec le massacre de plus ou moins 800 000 personnes en seulement trois mois, essentiellement à la machette ou à l'arme blanche. Et, simultanément, l'exagération était de retour en Europe, avec la montée en horreur de la guerre de Bosnie-Herzégovine, à partir de 1992 ; d'abord, durant 1 425 jours – un an de plus que celui de Stalingrad en 1943 – le siège de Sarajevo, ville dont le nom rappelait désagréablement la première guerre mondiale, celle qui devait être la der des ders. Une exagération numériquement limitée, mais commise sous nos yeux, culminant à Srebrenica en 1995, où huit mille hommes et enfants musulmans bosniaques furent exécutés après que les 400 casques bleus néerlandais qui les protégeaient au nom de l'ONU aient choisi de rester en vie. Désormais ramenés à l'humaine condition ordinaire, les Européens dont je suis purent contempler, avec plus d'humilité et beaucoup moins d'illusions, le spectacle du monde. Et le spectacle continua.
L'humanité a changé de millénaire, mais pas de (mauvaises) habitudes. Au Darfour, depuis 2003, un bilan que le Soudan évalue à 10 000 morts alors que les pays occidentaux l'exagèrent à 800 000. La Chine, de son côté, juge que les rumeurs sur le sort réservé aux Ouigours sont largement exagérées ; Bachar el-Assad a quitté la scène, après environ 500 000 morts à son passif, ainsi que 6 millions de déplacés. Poutine exagère en Ukraine, Ci Jinping pourrait être tenté d'exagérer à Taiwan.
Au vu du premier mois de son mandat, on n'est pas certain que l'arrivée de Trump à la présidence des USA favorise la modération.
Il est clair qu'aujourd'hui, l'exagération est tendance.
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